Dans mon précédent article, je me suis fait le témoin de nombreuses « petites révolutions » managériales qui ont été mises en œuvre dans les entreprises depuis une trentaine d’années, qui ont profondément changé l’entreprise pour lui permettre de s’adapter à l’accélération de la transformation du monde industriel et commercial comme des attentes et attitudes des salariés et des consommateurs.

L’étape nouvelle, la nouvelle révolution douce du management industriel, est déjà en marche.  (Elle sera aussi, j’en suis certain, une révolution dans les fonctionnements de la société civile, mais sur cet aspect, j’écrirai  dans un autre article.)

C’est de cette nouvelle étape que je voudrais parler dans cet article, que l’on peut sans doute nommer : « Entreprise collaborative et numérique ». 

Dans la continuité des transformations managériales décrites dans mon précédent article, il nous faut cependant faire un petit détour pour expliquer comment elle se situe aussi au croisement d’une autre révolution. La révolution numérique.

La « fée électrique » en son temps, a commencé avec le simple allumage d’une lampe d’éclairage pour peu à peu envahir toutes les facettes du monde. Le croisement des technologies classiques avec la « fée électrique » a permis des innovations majeures. Electroménager, moteurs de commande, cinéma, publicité et non réclames, laser … la liste est sans fin. L’éclairage initial est relégué bien loin dans les applications mineures.

De même la « fée numérique » est en train d’envahir tout l’espace de la vie humaine. D’une utilisation réservée aux techniciens, aux informaticiens et à quelques geeks, on est passé à une utilisation de plus en plus transparente et aisée. Trouver une information déjà, grâce aux moteurs de recherche est devenu chose simple et banale sans même avoir à bouger de chez soi ni de disposer de dizaines d’encyclopédies ou ouvrages techniques jamais à jour.

Tout devient facile. Réaliser une vidéo, la retraiter, la mettre en ligne, la stocker sur une plate-forme de e-learning. Chercher sur Facebook les fans d’animaux domestique de la ville de Vierzon et afficher sur la page de chacun d’eux une publicité (lien sponsorisé) pour quelques dizaines d’euro et en moins de 5 minutes. Connaître en temps réel toutes les demandes de permis de construire de terrains de tennis et les contacter alors pour leur proposer de réaliser leur installation de terre battue. Repérer sur la carte Google l’artisan plombier en intervention au plus proche de votre domicile, disponible pour un dépannage et le contacter.

Et c’est parce que tout ceci devient facile que va s’opérer, que s’opère déjà la nouvelle révolution managériale de l’entreprise.

La société Lippi (un fabricant de grillages), la société Ferrand (un fabricant de ballerines et de chaussons), le menuisier Reveau sont entrés dans cette ère.

Une vrai révolution et d’une certaine manière l’aboutissement du Lean management, des unités autonomes de production et du pouvoir donné à l’opérateur.

Comme dans le Lean, on cherche à affecter un groupe de production à un type de produits et un type de clients, en lui attribuant tous les moyens d’assumer sa production – approvisionnement de ligne, réglage, conduite, déclarations de production, contrôle qualité etc. Mais avec l’entreprise collaborative et numérique, le cran de plus c’est que, très largement c’est l’opérateur qui va avoir le lien au client et très largement avec l’appui de la puissance et la simplicité des moyens numériques.

Le chiffre d’affaire nouveau généré par les Employés est supérieur à celui généré par les commerciaux !

Chez Lippi, une unité est spécialisée dans les grillages pour terrains de tennis, une autre dans les grillages pour chenils et d’autres encore. Du moment que la production est assurée, les ouvriers ont un droit et un devoir pour ceux qui auront été volontaires, d’aller en salle informatique pour entrer en contact avec les clients, actuels ou potentiels. 

Prenons le cas « chenils ». Ils reçoivent chaque jour les permis de construire de chenils délivrés en France … ou hors France. Ils préparent eux même des petits films vidéo qui expliquent comment les grillages sont fabriqués, qui expliquent comment choisir les caractéristiques de grillage pour tel ou tel type de chenil, tel ou tel type de chien ou d’usage. Ils contactent directement les maîtres d’ouvrages ou les maîtres d’œuvre en leur proposant leurs services et en les illustrant avec les vidéos concernées. 

Ils ont construit eux même un blog leur permettant d’être en contact permanent avec les clients, de connaître leurs remontés de satisfaction ou d’insatisfaction sur leurs produits, de remonter ces informations en production pour adapter le processus ou pour adapter le produit. Ils réalisent eux même les vidéos explicatives de réglage des machines, de bonne conduite des lignes. Ils les placent sur une plate-forme de e-learning interne qu’ils utilisent pour les nouveaux arrivants, ou pour revoir et modifier la bonne pratique si un problème se pose après analyse du processus. 

Sur ces mêmes plates-formes de e-learning sont les formations aux usages des outils numériques qu’ils ont appris à utiliser. Lorsqu’un ouvrier ou un responsable va dans un salon, à une conférence, une formation, il filme avec une caméra légère ce qu’il apprend. C’est ensuite découpé en micro séances homogènes de quelques minutes commentées spécifiquement et qui sont aussi mises sur la plate-forme de e-learning, permettant à tous d’intégrer les apprentissages de ces conférences ou formation sans que tous aient besoin de s’absenter ou de payer pour y aller.

Ce modèle modifie profondément les organisations dans l’entreprise. Une très grosse part de l’encadrement ne supporte pas cette autonomie responsable donnée aux gens. Le responsable de la communication visuelle de Lippi était il y a 4 ans un opérateur peu à l’aise avec l’écrit, presque en voie de marginalisation et qui a trouvé tout à coup la révélation de son aisance pour faire passer dans une vidéo la réalité des fonctionnements de l’entreprise. Le personnel s’organise de manière autonome pour assurer la production et la relation client. Il sanctionne lui-même les dérives de ceux qui ne joueraient pas le jeu et empêcheraient l’atteinte commune de l’objectif. Le chiffre d’affaire nouveau généré par les opérateurs est 5 fois supérieur au chiffre d’affaire nouveau généré par les commerciaux.

Le début d’une révolution !

Nous sommes au début d’une révolution qui fonctionne, mais dont on n’a pas encore découvert les limites ni modélisé les fonctionnements.

Dans un article futur je tenterai, peut-être pas exactement encore de modéliser ces fonctionnements ni de décrire, comme pour la TPM, les 12 étapes de mise en œuvre, mais peut-être simplement d’indiquer les moyens principaux qui ont été mis en place pour permettre ces résultats, faire face au rejet initial et maintenir le plaisir et l’enthousiasme du personnel.

« Se réunir est un début ; rester ensemble est un progrès ; travailler ensemble est la réussite. » – Henry Ford