Narration incrédule d’une expérience
2013 restera pour moi l’année ou j’ai voulu reprendre une entreprise. Une entreprise en difficultés.
Quoi de mieux après une longue carrière et avec une forte expérience, que la reprise d’une entreprise pour vivre une nouvelle aventure et réaliser un bel objectif social et personnel ?
Avec peu de fonds disponibles, et étant donné le contexte économique local, j’avais mis la « cible » sur une entreprise en forte difficultés mais avec un vrai potentiel.
Une jolie PME, d’une trentaine de personnes, au savoir-faire rare, aux produits historiques de très haute qualité, Made in France, Eco responsable, présente sur de nombreux segments de marché.
Mais une situation très dégradée. Plan de sauvegarde. Mise en redressement judiciaire. Désorganisation interne. Fortes lacunes de gestion. Méconnaissance des prix de revient. Action commerciale passive, peu réactive, encore moins pro active.
Une forte capacité de rebond pourtant, par la « simple » résolution des lacunes organisationnelles et managériales. Mais surtout un réel potentiel de développement par l’intégration possible de Valeur Ajoutée Perçue au-delà de la valeur ajoutée technique, par l’innovation sur de nombreux axes possibles, par glissement vers le haut de gamme, et par une démarche commerciale valorisant les forces de l’entreprise en France et des segments spécifiques de l’international.
Mais pour redémarrer nécessité de fond « importants » (1 Million €) – Les fonds d’investissement et moi-même en apporterions la moitié, les pouvoirs publics et les banques en apporteraient l’autre moitié. Ce qui signifiait pour les pouvoir public eux même la nécessité de consentir à des avances remboursables de l’ordre de 300 000 € alors qu’une fermeture du site couterait pour le moins 5 million € entre et les coûts directs et les manque à gagner.
J’ai écrit en octobre un article très largement inspiré de cette entreprise et d’autres que j’ai rencontrées dans ma démarche de repreneur.
Mon propos aujourd’hui est de vous faire part du marathon de la recherche des appuis institutionnels (Etat /Mandataires / Administrateurs/ Dirrecte / CCI / OPCA / Conseil général / Conseil régional …) – un marathon non balisé avec ses fausses pistes.
Toutes ces instances dont l’un des rôles affirmé ou supposé paraît être celui de porter appui aux entreprises et de se positionner, dans les cadre d’une reprise, de s’en porter facilitateurs, sont effectivement à l’écoute et souvent de bonne volonté. Pourtant, je l’ai découvert « sur le terrain » avec incrédulité, elles sont souvent dans une approche tellement déconnectée du rythme et des réalités de l’entreprise, sans synergie entre elles qu’elles en deviennent contre-productives et peuvent mener à des impasses.
Alors … que les actions menées au sein de l’entreprise et la projection possible vers un nouveau futur pouvaient donner tous les espoirs d’une reprise réussie, avec réel potentiel de développement pour l’entreprise.
Alors … que la relation aux fonds d’investissement a été dans chaque cas très porteuse, claire y compris sur les limites d’intervention, aidante, lisible. Et partait pour donner toute possibilité au projet de réussir.
Autant … la relation aux institutionnels, de loin la plus couteuse en temps, s’est en fait avérée porteuse de faux espoirs, d’allers sans retours, d’illisibilité sur les attributions exactes de chacune de ces instances et sur leur modes de décision, d’encouragements sans actions, de pertes de temps.
Je n’ai pas repris l’entreprise !
Après un an passé au chevet de celle-ci et à jouer la mouche du coche auprès de tous les acteurs pour permettre cette reprise, la dead-line que j’avais fixé a été atteinte sans que je sache encore de quel appui je pourrais disposer de la part de ces institutionnels. Sans surtout que je sache quand une telle décision serait prise, si une telle décision serait prise, et quel type de décision serait prise.
Comment continuer en ce cas ! Pour moi et pour l’entreprise ?
Pour les employés, qu’un repreneur potentiel s’intéresse à leur entreprise en graves difficultés, y trouve un réel potentiel de redressement, y croit profondément, partage les axes et actions pour ce redressement, suscite un fort espoir !
C’est un espoir qui vient après les angoisses de la descente progressive aux enfers de l’entreprise des années précédentes, les baisses de chiffre d’affaire, plans sociaux, pertes renouvelées, les mises en plan de sauvegarde, en plan de redressement …
Mais, si alors la reprise traine en longueur, l’impression est donnée aux équipes que c’est parce que réellement l’entreprise ne vaut pas le coup, qu’eux-mêmes ne valent pas le coup, et qu’au fond, ce n’est pas viable. Que si reprise il y a, elle sera faite à défaut.
La foi en l’entreprise une nouvelle fois brisée, que se passera-t-il alors, lorsque les difficultés viendront dans le plan de relance ou lorsqu’un coup de collier sera impératif ? Les salariés trouveront ils l’énergie nécessaire si au fond ils n’y croient plus ?
J’ai fait le choix de ne pas prendre le risque de me retrouver dans cette situation, ni de la faire vivre aux employés.
Un tel renoncement ne se fait pas de gaité de cœur ! Renoncer à un projet qui m’a fait vibrer pendant plus d’un an. Renoncer à des équipes que j’avais appris à connaître et aimer. Renoncer à un métier que j’avais appris à connaître et apprécier. Renoncer à une forme de futur que l’on s’était dépeint.
Cela veut dire aussi l’énergie de se lancer dans un nouveau projet … mais cela, je l’ai !
Et malheureusement le moindre mal est pour moi !
Trois jours après mon renoncement, je recevai une lettre qui, si j’avais eu des doutes ou des regrets, me les a tout à fait enlevés. Une lettre d’anthologie. Signée par un très haut « décisionnaire » de l’une de ces instances. Merveilleusement tournée pour montrer oh combien l’on s’intéresse et l’on supporte les entreprises. Lettre tout à fait politiquement correcte, qui m’encourage très chaleureusement dans cette reprise, me donne les raisons positives de cet encouragement et loue les savoir-faire et le potentiel de l’entreprise. Une lettre qui, reprenant mes diverses demandes promet le support et l’engagement possible des différents dispositifs et partenaires attitrée. Une lettre qui conclue enfin que … dès que l’entreprise sera reprise, l’on étudiera avec moi les montants d’aide possibles et les délais. En d’autres termes, que dès que l’entreprise sera reprise, on m’aidera à la reprendre ! A-t-on même lu mon Business Plan ?
Donc, RIEN ! Rien de tangible. Rien qui permette d’avancer. Mais très bien dit.
Tellement bien dit qu’en faisant lire cette lettre à d’autres institutionnels, leur sentiment était d’un support à mon projet et d’un regret que je ne continue pas.
La bonne foi en tout cela est souvent réelle.
Chacun, à chaque étape fait avec ses prérogatives, ses contraintes et ses limites. Mais l’écart de pensée, l’écart de langage, l’écart de pragmatisme sont fort !
Dans un prochain article, je décrirai plus en détail ce que j’ai appelé le jeu de l’oie du parcours de l’aide institutionnelle. Avec ses chausses trappes, ses échelles, ses « reculez de 3 cases ».
J’essayerai ensuite d’en faire l’analyse et de proposer quelques axes de performance possible.
- Axes sur ce que j’aurai pu et peut-être dû faire de mon côté si j’avais su cela
- Axes possibles pour ces institutionnels et dont les mots clés pourraient être les suivants : chef de projet / rythme / savoir dire Oui ou Non !
« Un homme n’est vieux que quand les regrets ont pris chez lui la place des rêves » – John Barrymore
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